Téléverset n°20

Toi ! Oui, toi, illustre lectrice, illustre lecteur. Spectateur.rice assidu.e de ta scolarité, sans doute as-tu déjà sommeillé dans l’inerte torpeur d’un cours de français, où une voix lénifiante ânonnait doctement :

“Il y a trois types de rimes. Les rimes pauvres - où les vers n’ont qu’un son en commun -, suffisantes - celles où les vers ont deux sons en commun -, et riches - trois sons ou plus identiques en fin de vers….”

Le sommeil, suspendu à tes cils, baissait inexorablement tes paupières…

Cède à la sieste !

et viens te balader au pays des songes, où les morales sont élastiques et les remords extatiques. Où la voix tonne, électrisante “Enfin, les holorimes ! Le vers holorime est le plus simple, et de loin, puisque - et c’est bien l’heure - on ne s’embête plus à compter les sons. La rime est de la longueur du vers !”

Si les rimes riches sont celles à plus de trois phonèmes, nous parlons ici de rimes Bernard Arnault. Alphonse Allais (un humoriste et auteur du 19ième siècle) compte parmi ses œuvres d’excellents vers holorimes, et j’y pêche donc allègrement des exemples.

“Par les bois du djinn où s'entasse de l'effroi, Parle et bois du gin, ou cent tasses de lait froid.”

Ou bien, puisqu’il déjoue avec plaisir ses propres contraintes :

“Ah ! Vois au pont du Loing : de là vogue en mer Dante. Hâve oiseau pondu loin de la vogue ennuyeuse.*

*La rime n'est pas très riche, mais j'aime mieux cela que de sombrer dans la trivialité. “

Voilà un fragment de littérature véritable, débarrassée de l’odieux fardeau des mathématiques, d’un triste égrenage d’entiers naturels. Mais foin de cette exposition mortifère ! La poésie doit sautiller, baguenauder débauchée dans de beaux prés, loin d’obscures salles de crasses, salles sans classe. La langue est un muscle, il faut l’exercer, la contorsionner, faire jaillir la salive à gros postillons comme nous faisons suinter de nos biceps saillants une rutilante sueur et je lance donc ce cri :

All aux rimes ! Vers les aides leurres des vers Holorimes, vers lésés de leurs dévers.

Morceaux choisis :

Du platal sinistre excroissance Télécom Paris, si laid et gris Tel et comme, par ici, les aigris.

Un hidalgo se dédouane avec fougue Le plus vieux des astres que jeune ait su citer fit Le pluvieux désastre que je n’ai suscité, fi !

Tarot. (Tare ? Oh !) Atout : les coupes rêches à tous les coups prêchent de les mettre, et beaucoup. Deux l'aimaient. Très beau coup !

Sur le prix des consultations médicales Aïe ! ma vie n’est pas si rose. Idylle docte, heures tendues… I’m aviné. Pas cirrhose, y dit, le docteur. Tant dû !

Bête de foire et à manger du foin, L’idiome du village.